The Matrix – ou Comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer l’organisation matricielle

Devenir manager !
Être identifié par son entreprise comme un de ces jeunes talents-prometteurs- à -potentiel-promis-à-une-évolution-rapide vers un rôle de gestionnaire d’équipe, et être sélectionné dans un des parcours corporate « high pot » ou « fast-tracker » qui feront de vous cet être envié et secrètement adulé qu’est le responsable hiérarchique !
Les doux rêves sont faits de ça, qui suis-je pour ne pas être d’accord ? 
Qui parmi nous n’en a pas rêvé, allongé sur son lit, dans sa chambre d’adolescent rebelle, en mimant devant la glace une animation de réunion d’équipe ou une conclusion d’entrevue annuelle avec un collaborateur ? Rhâââ, nostalgie, quand tu nous tiens…

La réalité est parfois différente, et même si les sweet dreams are made of this, être identifié comme futur manager et suivre un parcours de carrière dans ce sens n’est pas toujours aussi simple.
Notre SDM du jour
Prenons le cas d’un informaticien néophyte mais doué, qui s’ennuie un peu dans son open-space : comment le rendre éligible au programme haut potentiel, pour devenir futur manager dans votre organisation matricielle ?
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Informaticien qui s’ennuie dans son cubicle ?
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Neo ? Élu ? Futur ? Matrice ?
Vous l’aurez compris, notre Scène de manager du jour s’attaque à ce monument du cinéma de SF qu’est Matrix, en comparant quelques bonnes pratiques des parcours de carrière avec l’apprentissage imaginé par les Wachowski pour leur Keanu de héros !

Certains veulent t’utiliser, certains veulent que tu les utilises

Les grandes étapes de la gestion des talents en entreprise sont connues : il faut les identifier, les évaluer, leur attribuer un mentor qui leur fera prendre conscience du chemin à parcourir, leur faire suivre une série de défis, les former, leur faire suivre une épreuve finale, avant d’atteindre la consécration  du changement de statut.

Nous ne parlerons aujourd’hui ni de Luke (Skywalker) ni d’Alice (du pays des merveilles) ni même de Jésus (Christ) – nous aurions pu – mais de Neo, alias Keanu Reeves qui, lui aussi, suit dans Matrix un chemin initiatique qui respecte à la lettre ces principes.

Identification ?
En entreprise, les processus d’entrevues annuelles et de revues de personnel servent notamment à cela : repérer les talents, sur la base de critères de performance, de valeurs en phase avec l’organisation, de capacité d’apprentissage rapide, etc.
Clairement, dans Matrix, nul besoin de people review ni de référentiel de compétences copié-collé à prix d’or par quelque cabinet de conseil RH : Neo a fait preuve de telles compétences de hacker qu’il est aisément sélectionné – il est même littéralement « chassé » par Morpheus et Trinity.
Évaluation ?
Bien sûr, Neo va être testé mais ses compétences restent limitées au départ, et il faudra aller consulter l’Oracle pour valider son statut de futur Élu.
Dans nos organisations matricielles, on attend aussi beaucoup des Oracle (PeopleSoft) et autres SAP comme outils pour objectiver la sélection des talents, à coups de comparaison avec des profils de références par exemple. On peut d’ailleurs préférer la version Oracle du film – vieille dame qui donne des cookies dans sa cuisine – à celle du Système d’information RH – vieille application qui cuisine des données émiettées !
Soyons fair, on utilise aussi souvent des outils du type 360 degrés ou assessment centers, pour valider le potentiel d’évolution et repérer les points forts/axes d’amélioration.  Un 360°, c’est une évaluation par les différents intervenants autour de vous (subordonné, patron, collègue, partenaire, femme de ménage qui passait par là), bref un ensemble de vues qui donnent une vision a 360 degrés.
Étonnamment, les Wachoswski utilisent précisément le même principe pour représenter les scènes d’action, multitude de prises de vue a 360 degrés, animées autour du sujet, pour parvenir au fameux bullet-time.

Tout le monde est à la recherche de quelque chose
Prendre conscience, c’est justement l’intérêt du 360° en entreprise, et c‘est aussi le rôle de votre mentor de vous  montrer là ou vous êtes là ou vous devez aller.

Dans Matrix, c’est Morpheus qui joue ce rôle, en expliquant d’une part la situation du monde dominé par des machines à Neo, et d’autre part en lui lattant grave la tronche en salle virtuelle d’exercice, pour lui montrer le chemin à parcourir.
Phase essentielle, qui permet à l’élu d’intégrer le pourquoi du parcours, mais aussi l’objectif, de rendre humble mais ambitieux, pour conscientiser et motiver. Éviter ainsi le syndrome des divas qui pensent qu’elles n’ont plus rien à apprendre. Comprendre qui on est, quel est son style de leadership, pour devenir une nouvelle version de soi-même, et pas juste une copie : très important aussi bien en entreprise que dans les récits d’apprentissage. Cela permet de dépasser le mentor et d’affirmer sa singularité !
Passer une série d’épreuves
Pour Neo, c’est survivre à l’agent Smith et à ses collègues, être poursuivi, se faire tirer dessus, défoncer la tronche, balancer sur une voie de métro, sauter d’un building a l’autre, être suspendu a un hélicoptère en vol… la routine, quoi.

Pour vous, c’est survivre à vos évaluations annuelles, aux projets casse-gueule qu’on vous attribue, aux réorganisations biannuelles, aux changements stratégiques, aux fusions acquisitions, aux gels des budgets, aux délocalisations de l’activité en Inde et des bureaux en périphérie de la ville, au burn-out précoce… une vraie vie de super-héros, quoi.
Se former
Pour se former, un peu de théorie fait du bien, et dans un chemin de carrière bien conçu, entre formations en salle, simulations, formations à distance et coaching par les pairs, on y arrive.

C’est tout pareil dans la matrice, entre formation accélérée par implants neuronaux, simulations de combat en environnement virtuel et coaching (de plus en plus rapproché) de la belle Trinity, votre apprentissage est un beau mix pédagogique, bravo ! (il faut que Morpheus pense à l’inclure dans sa déclaration annuelle fiscale de formation, tiens)
Tiens la tête haute, garde la tête haute (en avançant)

Quant à l’épreuve finale, elle consiste en général à être mis en situation de manager puis à être évalué, mais cela peut aussi se faire à l’occasion d’une présentation sur un sujet (retour d’expérience ou autre) devant le comité de direction.

Eh bien, survivre aux agents de la matrice, c’est un peu cela – d’ailleurs, ces  obsédés du respect des procédures de l’organisation, avec leur costumes tous pareils et leur air sinistre, ils ne vous rappellent pas ces gars interchangeables qui viennent régulièrement vous terroriser avec leurs menaces de non-conformité ou d’incidents qualité ? (KPMG, Deloitte, auditeur interne, sors de ce corps !)
Au final, vous deviendrez un homme nouveau, dans sa posture managériale révélée, fort de ce recul magique face aux évènements, de cette capacité à éviter les coups et à renvoyer les balles vers leur expéditeur, et ENFIN membre de cette élite capable de lire et comprendre un organigramme matriciel qui défile devant ses yeux, toutes ces lignes horizontales, verticales qui s’entremêlent et évoluent sans cesse…
Alors, tel Neo dans les dernières images du film, vous vous élancerez  vers les hautes sphères du pouvoir dans un envol vertigineux…

Notre SDM se clôt donc sur un match nul, les pratiques de gestion des parcours de carrière se confondant avec le chemin accompli par Neo, et ce tout simplement car dans les deux cas, on retrouve les bons vieux jalons de l’apprentissage vers l’état d’adulte ou même vers la nature divine.
- Oh mon Dieu !!
- Appelez-moi Smith.


Bibliographie : Matrix (Wachowski Bros, USA, 1999), et sur la Toile, si cela vous amuse toute une flopée d’analyses passionnantes sur le film : philosophique, scientifique, religieuse…, Dr Folamour -How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb (Kubrick; GB;1963), Sweet dreams (Eurythmics, 1983, Sony BMG), Relever les défis de la gestion des ressources humaines (St Onge, Guerrero, Gaines, Audet, 2010 ; Gaetan Morin Editeur)

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