jeudi 16 septembre 2010

Retrouvez un vrai lien managérial avec votre assistante (1/3)

Non, non et non ! Buzz sur forums spécialisés, spams quotidiens, et même des allusions glissées par Morandini dans le si remarquable Direct Soir, stop, stop !

Une fois pour toute, non, « SDM » n'est pas un site SaDo-Masochiste ! SDM, c'est pour Scènes De Manager !

Enfin, quel rapport entre notre raison d'être - l'exploration de l'intimité entre management et cinéma - et des pratiques sexuelles à base de latex, de fouet et de fais-moi-mal-Johnny-Johnny-Johnny-envoie-moi-au-ciel ?

Certes... la domination dans le cadre de rapports hiérarchiques est un thème souvent traité au cinéma : Alain Corneau l'a abordé à la fois dans Stupeur et tremblements et dans son dernier film Crime d'amour, avec dans les deux cas les rapports assez limites entre un manager féminin et sa collaboratrice...

Mais même en dehors de ce type de harcèlement, le management peut aussi être à la limite de certaines pratiques, tout en restant dans des rapports librement consentis.

Car à la réflexion - cela vient de me frapper - il y a bien un film qui traite de Cinéma, de Management... et de Sado-masochisme.

La Secrétaire.

Réalisé par Steven Shainberg en 2003, le film décrit la relation trouble qui naît entre une jeune secrétaire (Maggie Gyllenhall) et son étrange avocat de patron (James Spader). Contrairement à ce que ce pitch évoque, le film est bien une comédie, certes décalée et vaguement subversive, mais aussi romantique !

La Secrétaire traite ainsi le volet managérial sous un angle assez inédit... et nous offre au passage l'occasion d'une nouvelle Scène de Manager, autour de la relation Assistante-Patron.

Parce que manager une secrétaire, c'est un peu comme être une femme libérée – tu sais c'est pas si facile.

La suite ici !

Retrouvez un vrai lien managérial avec votre assistante ? 2/3

Notre SDM du jour
Vous êtes avocat, et pour la nième fois, votre secrétaire vous fait signer un courrier bourré de fautes. Comment réagissez-vous, pour la recadrer et lui permettre de progresser, tout en préservant sa motivation ?

Vous allez me dire – je vous entends déjà - « Mais enfin, manager une assistante, c'est comme manager n'importe quel collaborateur ! Pourquoi faudrait-il la traiter différemment ? C'est sexiste, ou bien ? »

Ouhla, ouhla, amis SDManiaques, nous souhaitons simplement mettre le doigt sur ce qui fait parfois mal, c'est-à-dire le non-management d'une bonne partie des assistantes par leur responsable ! Pourquoi ?

Invisible touch
« Liant » dans les relations entre la direction et les collaborateurs... « tête de réseau » qui sait toujours qui contacter en interne... et repère essentiel de stabilité pour les salariés, dans des structures en perpétuel changement – les fameuses « réorgs », ce battage régulier des cartes hiérarchiques qui fait tout le sel des organigrammes matriciels - la fonction d'assistante revêt une importance-clé dans le bon fonctionnement des organisations.

Mais ces contributions souvent « invisibles », ne facilitent pas la reconnaissance de cette population généralement négligée.

Comme si le fait d'être aussi proche des managers les rendait peu visibles par ceux-ci ! Par conséquent, ce qui rend l'encadrement des assistantes si particulier, c'est le fait qu'elles ne sont souvent pas managées, tout simplement !

Malgré le binôme qu'elles forment avec leur responsable, ou peut-être à cause de cette proximité quotidienne,elles échappent souvent aux process de management de la performance, sont oubliées des people reviews, plans de succession... En général, c'est à l'occasion de leur départ en congé maternité, voire en retraite, qu'on réalise, par défaut, leur apport au quotidien.

Mais soyons justes, les assistantes elles-mêmes ne sont pas non plus toujours moteurs dans la gestion de leur carrière : pas évident par exemple de prendre le recul nécessaire à un entretien annuel d'évaluation et de développement, pour un responsable et une assistante qui sont en interaction quotidienne – or, comme le dit notre ami JJ Servan-Schreiber, « Travailler sans recul, c'est un progrès pour un canon, pas pour le cerveau. »

Vous me direz – décidément, on ne vous arrête plus, aujourd'hui - « Oui mais bon faut aussi admettre que les possibilités d'évolution des assistantes, si elles existent, ne sont pas légions : elles peuvent donc se retrouver dans les mêmes fonctions répétitives pendant de nombreuses années ! Alors un entretien tous les ans, et la revue de personnel, et des formations... pourquoi faire ? »

Comme vous y allez ! Avec cette vision immobiliste du métier, on se retrouve dans Working Girl avec une Mélanie Griffith obligée de se substituer à sa patronne en son absence pour pouvoir montrer de quoi elle est capable – et séduire au passage Harrison Ford !

Et pourtant, pourtant... la fonction d'assistante a aussi de spécifique qu'elle se transforme énormément depuis quelques années, les managers utilisant eux-mêmes la Sainte-Trinité moderne Blackberry / Excel / Powerpoint pour gérer eux-mêmes leurs mails, appels, présentations !
La plus-value des assistantes implique donc de nouvelles compétences, techniques et relationnelles, la capacité à gérer des petits projets, etc.

Fanny Ardant, secrétaire amoureuse de son Trintignant de patron, soupçonné de meurtre, ne va-t-elle pas se lancer seule dans une enquête policière, dans le réjouissant Vivement dimanche, de François Truffaut ?

Au final, on voit bien que dans le cinéma comme dans la réalité, les secrétaires ne doivent compter que sur elles-mêmes pour évoluer ! Alors si nous revenons à notre SDM, que proposent les bonnes pratiques ?

La fin ici !

Retrouvez un vrai lien managérial avec votre assistante ! 3/3

Une bonne correction
Du côté des fameuses best practices dont nous raffolons tellement, histoire de ne pas chercher de nouvelles idées... que trouvons-nous comme pratiques managériales adaptées à cette population particulière des assistantes qui ne le sont pas moins - particulières ?

Pour notre Scène De Manager du jour - votre secrétaire fait des fautes dans ses courriers ? - il est de votre devoir de la faire progresser ; pour cela, vous devez impérativement fixer avec elle des moments d'échange réguliers, et je ne parle pas de ces phrases échangées entre deux portes ou deux rendez-vous !

Par exemple, faites-en-sorte qu'elle soit la première à avoir son entretien annuel ! Frappez un grand coup (sans faire de mal à personne) : en étant exemplaire avec votre collaboratrice, vous lui accordez du respect, vous projetez une image valorisée du dispositif auprès de l'ensemble de l'équipe. Et enfin, last but not least - comme disent ceux qui aiment bien utiliser la fonction italique de leur traitement de texte - vous pourrez réaliser « à froid » un bilan de l'année, un point sur les compétences, et définir avec elle des objectifs opérationnels et un plan de développement !

Oui, attention à l'environnement qui ne comprend pas toujours quand une assistante se voit attribuer de nouvelles responsabilités : il faut préparer le terrain pour que personne ne remette en cause sa crédibilité, les préjugés sur les capacités des assistantes, et plus généralement des femmes, ayant la vie dure.

Regardez la délicieuse Gwyneth Paltrow, assistante particulière du millionnaire Tony Stark dans Iron man 2, qui lorsqu'elle est nommée du jour au lendemain par lui président de son Groupe, se fait vertement ridiculiser dans les médias. (Dans un autre style, Alain Duhamel, notre super-héros à nous, commentant une intervention de Ségolène Royal se situe dans le même registre phallocrate et injurieux !).

Dans le cas qui nous occupe : votre assistante fait des fautes récurrentes dans les courriers ? Dites-le lui simplement et demandez-lui de corriger elle-même son courrier, en s'aidant des outils en ligne si nécessaire, et de s'auto-contrôler systématiquement avant de vous proposer un courrier à signer.

Puis, lors de l'entretien annuel, revenez sur cette lacune, en faisant en sorte de souligner l'impact que peut avoir auprès de la clientèle ce type d'erreurs. Au passage, cela vous permet de valoriser l'importance du travail de votre assistante.

Classique mais respectable attention managériale, ... mais le cinéma peut proposer des options plus créatives !

...Une bonne correction
En effet, dans le film La Secrétaire, la technique utilisée par Mr Grey, le personnage interprété par James Spader, pour gérer sa collaboratrice, est fort différente.

Il est vrai que Lee Holloway n'a accepté ce job sous-qualifié pour elle que parce qu'elle sort d'un séjour en hôpital psychiatrique ; adepte de l'auto-mutilation, la belle dépressive recherche ainsi une activité aussi monotone que possible, afin d'éviter de penser....

Or quand le jeune avocat constate des fautes dans les courriers tapés par son assistante, il va sortir totalement de notre corpus habituel de bonnes pratiques managériales, et va innover avec un geste frappant : il lui donne une fessée !

Une correction, en quelque sorte. Plat de la main sur les fesses. Pan. Pan.

Le problème, c'est que cette méthode s'avèrera contre-productive, puisque la demoiselle va se prendre au jeu et se met à faire de plus en plus de fautes... volontaires.
Hum.
Histoire de recevoir d'autres fessées. Eh oui, une main de fer dans un gant de latex, en quelque sorte.

Ce jeu va se poursuivre, et les liens entre le patron et son assistante vont se resserrer de plus en plus. Rassurez-vous, cette étrange relation évoluera en un doux sentiment, et au final, l'amour triomphera entre ces deux individus hors-normes qui se sont trouvés, tout simplement !

Sous le choc, le plaisir.
Alors évidemment, il faut admettre que la technique de Mr Grey est peu reproductible dans la réalité, sauf à risquer une bonne gifle et un procès pour harcèlement. SDM se doit donc - un peu à regret – d'admettre que pour une fois, le cinéma n'apporte pas une solution applicable.

Pourtant, l'option de La Secrétaire ne manque pas d'un certain charme transgressif... mais nous ne pouvons la recommander, la possibilité de tomber sur Maggie Gyllenhaal étant assez faible, soyons clairs.

Alors au final, managez votre assistante comme elle le mérite, c'est-à-dire... comme n'importe lequel de vos autres collaborateurs ! Car ce n'est pas parce que vous être en contact permanent avec elle que vous devez négliger l'évolution de ses compétences et de son employabilité !

Avec de l'attention, un peu de recul sur le quotidien, vous pourrez ainsi retrouver un vrai lien managérial avec votre assistante (mais ne serrez pas trop, surtout).

A présent, nous espérons que plus personne ne confondra SDM et SM, non mais !


Bibliographie :
Assistantes pro (Harache, Bercovici, Editions d'Organisation, 2008), La Secrétaire (S. Shainberg, USA, 2002).