vendredi 5 novembre 2010

Peter - Panda : même principe ? 1/3

On ne parle pas assez des pandas, en général.

Et en particulier dans la littérature managériale, je ne sais pas si vous avez remarqué.

Vaches (à lait),
Requins (de la finance),
Canards (boiteux de l'industrie),
Dindons (de la farce),
Boucs (émissaires)...
… tout un bestiaire métaphorique qui prospère sur les verts coteaux de l'économie moderne !

Mais à propos des pandas ?
Rien dans la Harvard Business Review.
Dans Entreprise & Personnel ? No panda.
Chez Dale Carnegie ou Jack Welch ? Zéro panda – j'ai cherché.

Eh bien aujourd'hui, SDM relève le gant, car OUI, le panda incarne à lui-seul les paradoxes du paradigme managérial contemporain – en tout cas mieux que n'importe quel autre ursidé de ma connaissance.

Nous en apporterons la preuve dans une nouvelle Scène de Manager en forme de confrontation entre le Panda le plus célèbre du cinéma et l'un des plus saisissants concepts de la gestion des organisations !

Notre SDM du jour

Imaginez... nous sommes en Chine en des temps immémoriaux, et vous êtes le vieux sage local, en l'occurrence une tortue experte en arts martiaux un peu en bout de course.

Charge à vous de désigner celui qui deviendra le champion de votre cité, qui, in fine, devra affronter le terrifiant Tai Lung, Léopard des neiges qui risque de mettre le monde sous son félin joug.

Tous les habitants de la cité sont là réunis... comment allez-vous choisir votre « champion » ? Qui va bénéficier d'une promotion aussi exceptionnelle, sachant que c'est la survie du monde qui est en jeu ?

A ma gauche, en peignoir noir & blanc, Kung Fu Panda nous proposera la solution imaginée par ses créateurs des Studios Dreamworks... puis à ma droite, le pédagogue Laurence Peter, créateur du célèbre Principe de Peter, et ses continuateurs nous donneront la réponse issue de leurs travaux hautement scientifiques.

Que le meilleur gagne !

La suite ici !

jeudi 4 novembre 2010

Peter - Panda : même principe ? 2/3

Le hasard et la nécessité (du panda)

Dans le film d'animation Kung Fu Panda, le monde est menacé, et le vieux sage doit désigner qui va être choisi pour être l'Élu.
Bien évidemment, tout le monde s'attend à ce qu'il choisisse une de ces stars du kung fu, les légendaires 5 cyclones : Tigress, Viper, Mantis, Crane ou Monkey !

Et pourtant, pourtant... par le plus grand des hasards, Po, panda maladroit, vendeur de nouilles de son état dans l'échoppe de son père et passionné de kung-fu, tente d'assister comme simple spectateur à la désignation du champion...

Or, il rencontre les pires difficultés pour pénétrer dans l'arène : les portes sont fermées, alors il essaie tous les moyens pour y pénétrer. Lorsqu'enfin il y parvient, il se retrouve projeté au beau milieu de la cérémonie, et là, le vieux maître, contre toute attente, va le choisir comme Champion !

Alors que c'est le plus grand des hasards qui fait que le panda se retrouve à cet endroit à cet instant, la vieille tortue, elle, dans sa sagesse immense (ou sa démence sénile) y voit un signe, et décide donc, à l'encontre de toute logique, d'élire cet inconnu pataud sans aucune compétence en kung-fu.

Méthode choisie par les Studios Dreamworks : le pur hasard ! Ah ! Hollywood a toujours rêvé de faire de Monsieur-tout-le-monde un héros, Néo dans Matrix ou Marty McFly dans Retour vers le futur. La différence ici, c'est que Po n'a objectivement AUCUNE compétence pour prétendre à ce poste, il est même le plus incompétent possible.

Loin, loin de la réalité nous sommes, amis, et nul doute que les habiles théoriciens du management inspirés par Laurence Peter vont nous proposer une solution plus réaliste !

Peter's friends

Le principe de Peter, paru en 1970, révéla en effet au grand public une théorie aussi remarquable qu'impertinente : dans une organisation, les individus sont promus aussi longtemps qu'ils sont compétents. Mais tôt ou tard, ils sont promus à une position à laquelle ils ne sont plus compétents (leur « niveau d'incompétence »), et où ils vont rester.

Par conséquent, avec le temps, tout poste tend à être occupé par quelqu'un d'incapable d'en assumer la responsabilité, le travail étant accompli par ceux qui n'ont pas encore atteinte leur niveau d'incompétence (Peter ne prend pas en compte l'usure sur un même poste, ce qui est absurde mais bon, continuons).

L'intéressant, c'est qu'en 2010 il y a encore du nouveau sur le Principe de Peter : des scientifiques italiens viennent d'être « récompensés » par l'Ig Nobel de Management, en 2010, pour leur relecture iconoclaste.

Ils ont tout simplement testé la validité du fameux principe en utilisant un algorithme qui simule l'impact des méthodes de promotions au sein d'un organigramme hiérarchique.

Pour cela, ils ont comparé les effets respectifs de deux hypothèses :
Soit le fameux principe de Peter est bien réel,
Soit il n'est qu'une pirouette humoristique, et ce serait plutôt le simple bon sens qui prévaudrait : quand on est promu, c'est qu'on est performant, voilà tout.

Mais alors quel est l'impact de ces deux hypothèses sur l'efficacité GLOBALE de l'organisation, qui au fond, est la seule qui devrait avoir un intérêt du point de vue de l'entreprise ?

La fin ici !

Peter - Panda : même principe ? 3/3

Mais alors quel est l'impact de ces deux hypothèses sur l'efficacité GLOBALE de l'organisation, qui au fond, est la seule qui devrait avoir un intérêt du point de vue de l'entreprise ?

Dans l'hypothèse 1 de Peter, à long terme, il vaut mieux promouvoir les nuls, ce qui permet aux bons de continuer à être performant à leur niveau.

Alors que dans l'hypothèse 2, il faut plutôt promouvoir les meilleurs, qui s'ils sont performants à leur poste précédent, ont de bonnes chances de l'être aussi au niveau supérieur.

MAIS, et c'est là que nos amis chercheurs italiens ont certainement décroché leur Nobel pour rire, le problème est qu'on ne sait pas a priori laquelle des deux hypothèses est la plus pertinente au sein d'une organisation donnée.

Car au-delà d'un bon sens basique qui dit qu'on promeut les meilleurs, qui n'a pas l'expérience d'un responsable hiérarchique totalement incompétent ? Dans ce cas, comment se prononcer de façon définitive sur l'une ou l'autre des hypothèses ?

Par conséquent, prendre le parti de promouvoir les bons ou bien les mauvais constitue un réel risque.> Promouvoir les bons si c'est Peter qui a raison ? A terme, c'est la fin de votre organisation, avec tout le monde à son seuil d'incompétence.
> Promouvoir les mauvais si Peter a tort ? Vous êtes fini, et votre entreprise aussi !

Ainsi, les chercheurs italiens préconisent de NE PAS CHOISIR, et recommandent de gérer les promotions complètement AU HASARD !

En effet, statistiquement, dans l'une comme l'autre des hypothèses, le modèle mathématique conclut que la stratégie « aléatoire » donne EN MOYENNE les meilleurs résultats.

Alternative proposée par les facétieux scientifiques : alterner la promotion des meilleurs et des plus nuls, ce qui donne des résultats équivalents.

Cette solution ne reviendrait-elle pas au final à celle choisie par les créateurs de notre ami poilu jamais à l'abri d'un coup de bambou, j'ai nommé Kung Fu Panda ?

Revenons à nos moutons.

Nous avons donc vu que le film Kung Fu Panda imagine avec humour que le plus grand guerrier a été choisi au hasard, la tortue-décideur ayant vu un signe dans l'irruption catastrophique du jeune panda dans la cérémonie d'investiture. Et cette décision se révélera pertinente, puisqu'à la fin, le panda massacre le Tigre des Neiges, je vous signale.

De leur côté, les continuateurs de Laurence Peter parviennent à la même conclusion, par la grâce d'une applet java et d'une solide logique nonsensique de bon aloi !

Puisque on ne sait pas si dans la réalité, c'est le Principe de Peter (où c'est l'incompétent qui est promu) ou le bon sens commun (promotion au plus compétent) qui fonctionne le mieux - et que notre expérience nous montre bien que l'un comme l'autre sont possibles - il faut choisir l'option la moins risquée, c'est-à-dire celle qui fonctionne dans les deux cas : le HASARD.

La promotion aléatoire se révèle, à notre effarement, mêlé d'un zeste de ravissement, la vraie solution pour réussir au mieux vos politiques de promotion en entreprise !

Une fois de plus, grâce à Scènes-de-Manager, le cinéma illustre à la perfection les théories managériales les plus audacieuses : OUI, promouvoir au hasard peut être une solution !

Et pour cela, remercions ce petit animal qu'on n'oubliera désormais plus, ni chez Dunod ni dans les pages (saumon) du Figaro : le Panda.

Bibliographie :
The Peter Principle Revisited: A Computational Study, Kung Fu Panda (Marc Osborne, 2008, USA), Le Principe de Peter