samedi 10 juillet 2010

Millenium - Mediapart : même combat !

C'est les vacances, mais pour le plaisir, un petit post estival, en cette période d'affaires...

Nous avons :
- Un petit organe de journalisme d'investigation qui lutte pour sa survie...

- A la tête de cette équipe de justiciers journalistes, un reporter-star des médias, célèbre pour ses nombreux scoops qui ont révélé des scandales politiques et financiers...

- Ces journalistes, en partie financés par un richissime chef d'entreprise...

Et puis :
- Un empire industriel et financier dirigé par une famille milliardaire, qui a depuis longtemps franchi les barrières du pays pour devenir une multinationale...

- Certains membres de cette famille ont flirté avec l'extrême droite avant-guerre et joué un rôle trouble pendant l'Occupation...

- Des luttes familiales entre générations pour le pouvoir au sein de ce Groupe multinational...

- A sa tête, un vénérable ancien inoxydable...

- Une île mystérieuse...

Et enfin :
- Une affaire d'état que révèle le super-journaliste...

- Un scandale à tiroirs, qui implique les sphères politiques, économiques et médiatiques...

- Des révélations quotidiennes, tous les médias étant alimentés à la même source d'investigation...

- Un témoin-clé qui se rétracte après publication et qui met dans l'embarras le journaliste-star...

- La révélation de montages financiers complexes offshore...

- Une police et une justice soupçonnés d'être en bonne partie aux ordres du pouvoir...


… Bienvenue dans : Millenium – L'homme qui aimait les vieilles femmes riches !


Bibliographie : Millenium (Arden Oplev, Suède, 2009), Mediapart

vendredi 2 juillet 2010

George Clooney vs les rois de la fermeture-éclair : 1/3 Préparez les mouchoirs !

Fermer une usine, c’est partir, un peu…
... et souvent loin : en Chine, en Inde, à l’Ile Maurice !

Faire sa valise, ce n'est jamais facile - ça l'est encore moins quand on fait partie des licenciés de l'usine !

Bref, fermer une usine, c'est un peu comme fermer une valise.

George Clooney serait bien de cet avis. En tout cas, le personnage qu'il interprète dans le formidable In the Air, de Jason Reitman, sorti début 2010.

Dans cette comédie sociale douce-amère - chroniquée ici par l'excellent Percy Thrillington - George est un consultant en restructurations, qui va de ville en ville pour annoncer à des salariés qu’ils sont licenciés.

En permanence en déplacements, d’avion en avion, une vie entre Hyatt's et Mariott's, George est en quelque sorte expert des deux sujets : les licenciements... et les valises !

A ce titre, nous faisons aujourd'hui appel à lui pour notre Scène De Manager, dans laquelle il sera opposé à deux multinationales du bagage, Delsite et Samsoney.

Loin de vouloir nous mettre à dos l'industrie du sac, nous voulons plutôt célébrer ici le sens de l'innovation dont celle-ci a fait preuve dans la gestion de ses restructurations. Rapidité, élégance, haute technicité, envergure internationale, bref un système de fermeture… éclair!

Notre Scène de Manager
Nous sommes en 2005, dans cette riante contrée du Nord, quelque part entre le Pas-de-Calais et la Picardie. Et justement, nos Airbus et Boeing de la maroquinerie, j’ai nommé l’américain Samsoney et le français Delsite, y ont chacun leur usine française.

Il se trouve que ces deux Groupes concurrents doivent fermer leurs sites industriels en France, (mondialisation, concurrence des pays émergents, rationalisation budgétaire, réchauffement de la planète, – rayez la mention inutile).

Consultant en restructurations, vous récupérez les deux projets simultanément – bien joué : vous voyez bien, que cela servait à quelque chose, ces interminables table-rondes au Ministère de l'Emploi.

A présent, comment allez-vous vous y prendre pour gérer la fermeture de ces deux sites ?

Ben oui, dans le catalogue de ces deux prestigieuses marques, il y a différentes gammes de bagages, selon la qualité et les prix, non ? Eh bien, c'est idem pour les plans sociaux : vous avez plusieurs options : Moderne ou Vintage ? Rigide ou souple ? Cheap ou luxueux ?

La suite ici : 2/3 Ma petite entreprise

George Clooney vs les rois de la fermeture-éclair : 2/3 Ma petite entreprise


Ma petite entreprise
Du côté d'In the air, nous sommes en pleine Crise acetuelle, et ça n'a plus rien à voir les Crises du passé.
Car au XXème siècle, les gammes traditionnelles de restructurations de sites industriels, souvenez-vous, c'était le bon vieux plan social vintage, avec son mix de pré-retraites, de primes d'ancienneté... rhââ, nostalgie...

Mais nous vivons une époque moderne, je vous signale, alors dans In the air, nous sommes dé dans une autre ère de gestion des licenciements, subtil mélange d'externalisation et de reclassement, d'entrepreneuriat, d’essaimage, d'outplacement, de départs volontaires….

En effet, le personnage interprété par Clooney appartient à un cabinet de conseil spécialisé dans la prise en charge de licenciements pour des entreprises. Consultant sur le terrain, il se substitue aux DRH des entreprises, et en tant que professionnel des restructurations, il assure l'ensemble des entretiens de départ, propose un ensemble de solutions d'accompagnement, marketé dans une plaquette 4-couleurs, s'il-vous-plait !

En externalisant votre gestion sociale, vous limitez les risques. Pendant les entretiens individuels, George mêle professionnalisme et empathie, sur le thème : « oui, je sais, vous avez 54 ans, pas de diplôme, occupez la même fonction ici depuis 34 ans, vous avez un crédit sur votre maison et 3 enfants encore à charge, mais, mais... et si ce licenciement était l'occasion de vous lancer enfin dans votre grande passion de toujours, la fabrication de faux puits de jardin en pneus ? »

L'ensemble a un coût – sad but true, diraient nos amis de cette autre multinationale de l'industrie lourde, Metallica - mais ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Séquestration par des syndicalistes en colère, envahissement de l'usine ? Tout sera géré par des professionnels, rassurez-vous, le DRH n'aura même pas à apporter sa brosse à dents !

(En option, nous recommandons de vendre au Comité de Direction de l'usine une journée de simulation de communication de crise, avec occupation d'usine et journaleux du Courrier Picard à la grille d'entrée : idéal pour ressouder un CODIR dans la bonne humeur - vous reprendrez bien des viennoiseries !)

Ainsi, dans notre gamme Business et Suavité, pour un PSE qui marchera comme sur des roulettes, telle est donc la solution proposée par George.

L'affaire est dans le sac

In the air est certes moderne, mais ce n'est rien à côté de ce qu'on imaginé nos deux multinationales ! Dans un style plus high-tech, pour fermer leurs sites respectifs, Delsite et Samsoney ont carrément innové !

Elles ont en effet apporté une touche de sophistication à la préparation de leurs charrettes de licenciement, en combinant confort de prise en main et mobilité extrême (en plus, avec une option qui évite d'avoir à se payer George et ses dosettes).

En septembre 2005, Samsoney, propriétaire d'une usine à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), décide de s'en séparer. La holding qui reprend le site annonce son projet de reconvertir l'usine afin de produire des panneaux photovoltaïques – noble ambition, bien in the air du temps.

Qui dit vente d'activité dit transfert des contrats de travail, dans le cadre de l'ex L122-12. Ça y est, les 190 salariés ne dépendent plus du Groupe de départ, mais de l'opaque repreneur.

Las, à peine 18 mois plus tard, l'usine est placée en liquidation judiciaire et ses salariés licenciés avec le minimum d'indemnités. Il faut dire, le projet industriel n'était pas tout à fait abouti - il prévoyait notamment de fabriquer les panneaux solaires avec les mêmes machines que celles qui produisaient les sacs...

En juillet 2009, le Procureur du Tribunal correctionnel de Paris a été jusqu'à traiter de « patrons-voyous » les repreneurs, les condamnant à des amendes et à de la prison ferme pour avoir provoqué la faillite du site – comme si c'était facile, de lancer le marché des panneaux solaires à roulettes taille cabine !

Un appel est en cours. Par ailleurs, le conseil des Prud'hommes de Lens a jugé illicite le licenciement des 190 salariés.

La fin ici : 3/3 Copycat

George Clooney vs les rois de la fermeture-éclair : 3/3 Copycat



Copycat

Preuve que c'était une vraie innovation, que cette méthode était une best practice évidente, c'est que le concurrent numéro 1 de Samsoney, Delsite, a utilisé exactement la même solution, au même moment !

Même volonté de fermer son site, en Picardie, cette fois.
Mêmes repreneurs.
Même liquidation 18 mois après.
... et même nombre de salariés sur le carreau !

Cette fois, c'est la Cour d'appel d'Amiens qui a condamné Delsite à indemniser 160 de ses anciens salariés, estimant que Delsite « a procédé au transfert illégal des contrats de travail à une société qui, dès la session, n'était plus en mesure d'en poursuivre l'exécution. » La multinationale aurait ainsi fait « l'économie d'un licenciement collectif » pour en transférer la charge sur le repreneur dont la liquidation était « inéluctable ».

Il faut dire que Delsite a un peu été pris la main dans le sac, car ce « service rendu » par les repreneurs, précise l'arrêté du 20 avril 2010, a été financé par le bagagiste, via une « subvention » de 2,2 millions d'euros discrètement versée sur des comptes anonymes au Luxembourg.

Ben oui, parce que qui va faire le boulot ? Votre repreneur, il faut bien qu'il s'y retrouve, lui qui doit peu à peu mettre le site en faillite, assurer la liquidation judiciaire de la structure, licencier les salariés avec le minimum d'indemnités... c'est du taf, tout ça, mine de rien !

Delsite a par conséquent été considéré comme seul responsable de la rupture des contrats et à été condamné à verser aux salariés de 12 à 18 mois d'indemnités, plus les AGS versées, soit quelques millions d'euros au total.

L'avocat des salariés des deux sites affirme ainsi que Delsite aurait « externalisé ses licenciements pour échapper à sa responsabilité sociale » et préférer verser plusieurs millions à des interlocuteurs douteux plutôt... qu'à ses salariés dont elle souhaitait se séparer !

Malle à partir
Bref, d'un coté, vous externalisez la gestion sociale, mais votre Groupe paie néanmoins aux salariés des indemnités ; de l'autre, vous externalisez TOUT. Y compris la gestion financière, en passant par des intermédiaires du genre qui ont plus d'un tour dans leur sac !

Et pour une fois, amis SDManiaques, c'est la réalité qui l'emporte sur la fiction !
In the air, qui semblait encore il y a quelques mois à la pointe, est complètement dépassée par l'innovation sociale imaginée conjointement par les Coca et Pepsi du bagage.

Au final, les 400 salariés des deux usines ont en 2005 dû faire leur valise dans les pires conditions, même si la justice leur accorde aujourd'hui quelques compensations.

Parce qu'un plan social mal ficelé, pour les salariés concernés, c'est en réalité exactement comme une valise mal fermée : l’assurance d’avoir mal au bas du dos pendant longtemps...


Bibliographie : In the air (Jason Reitman, USA, 2010), « Delsey a copié son concurrent Samsonite... mais pas ses bagages » (Le Monde, 14 mai 2010), Les ex-Delsey ont gagné en appel : un espoir de plus pour les ex-Samsonite (La Voix du nord, 28 avril 2010)